1. BIZZ VENTE
L’ANTWERP MANAGEMENT SCHOOL SE PENCHE SUR
L’ÉVOLUTION DU RÔLE DES COMMERCIAUX
duits IT aidera son client à réfléchir à
sa stratégie informatique: mais que se Le premier centre d’expertise consacré
Et le vendeur deviendra passera-t-il lorsqu’il en conclura que
les produits proposés par son entre-
prise ne sont pas les plus appropriés?
Un vendeur n’a-t-il pas pour mission,
à la vente en Belgique
L’Antwerp Management School a analysé, en collaboration avec l’université
britannique de Cranfield, l’évolution du rôle du vendeur. À l’occasion de cette
conseiller... quoi qu’il advienne, de promouvoir ses
propres produits et jamais ceux de la
concurrence ? « Pas nécessairement,
répond Régis Lemmens. À partir du
moment où il se considèrera comme un
étude, entamée en avril 2010, 66 directeurs des ventes issus de divers secteurs
et pays (dont la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis) ont
été abondamment consultés. Consignés dans un rapport, les résultats seront
exposés lors de la formation Sales & Marketing Management que l’Antwerp
Management School organisera les 26 et 27 mai prochains.
conseiller autorisé à facturer séparé-
Le vendeur est appelé MUTATION. ment son avis au client, le vendeur
à se muer en consultant, Dorénavant, le
vendeur devra
n’aura aucun problème à promouvoir
des produits concurrents.» Telle est la
tres parties, qui détiennent aussi de l’in-
formation utile... Et il n’est pas exclu
se passer d’une certaine forme de nor-
malisation. «Si chaque client exige une
prédit Régis Lemmens, maîtriser les rouages
de l’entreprise de son
conclusion d’une étude menée par que ces parties tierces fassent partie de solution différente, il sera en effet
l’Antwerp Management School en col- la concurrence. impossible d’atteindre la rentabilité.»
professeur à l’Antwerp client.
laboration avec l’université britannique L’élaboration d’un produit sur mesure Pour Régis Lemmens, des initiatives
Management School. de Cranfield (lire l’encadré: «Le premier
centre d’expertise consacré à la vente en
en collaboration avec le client n’est-elle
pas extrêmement onéreuse pour l’en-
telles que celles d’ING aux Pays-Bas et
de Logica (lire les encadrés ci-contre)
A l’en croire, le «vendeur Belgique»). treprise? Qui va en supporter le coût? illustrent parfaitement le phénomène
Les choses peuvent se faire de diffé- d’évolution vers la consultance.
du futur» devrait même Dépassées, les méthodes de rentes manières, reprend Régis Lem- D’après le professeur, tout ceci remet
être capable de vente traditionnelles
Auparavant, une seule approche com-
mens. Tout d’abord, en facturant les
conseils préalables à la vente. D’après
la vente au cœur de l’entreprise, alors
que l’arrivée d’Internet et de techno-
promouvoir les produits merciale visait tous les clients, sans dis- notre interlocuteur, la réflexion du four- logies comme le CRM (logiciel de ges-
cernement. Le département marketing nisseur doit s’inspirer non pas de ses tion de la relation client) ainsi que l’im-
de la concurrence. transmettait les leads aux chargés de propres produits, mais du problème du portance croissante du marketing
Décryptage. vente, qui prenaient la route, bien déci-
dés à ramener des commandes. «Le pro-
client, si bien que la vente va se muer
en une activité de consultance com-
l’avaient mise de côté au cours des
années 1990. «Les promesses du mar-
BENNY DEBRUYNE blème, c’est qu’il n’est plus possible merciale. Le client pour sa part s’ac- keting ont déçu, estime Régis Lemmens.
d’appliquer un processus unique à tous quittera de deux factures : le conseil Qu’elle soit qualifiée de key account
les clients et que le vendeur ne dispose d’un côté, et le produit ou service de management ou de global account mana-
plus de l’intégralité des connaissances l’autre. Cependant, la cocréation ne peut gement, la vente est prête à faire son
requises.» C’est la raison pour laquelle grand retour.» La manière même dont
le client a désormais affaire à un key les entreprises sont structurées devrait
«
J
usqu’à l’année 2000, les account manager qui collabore avec lui évoluer. «Il n’est plus possible de dis-
entreprises attendaient de
savoir exactement de
au niveau stratégique et assure l’inté-
gralité de la gestion, à un spécialiste Le client socier vente, marketing et service à la
clientèle: d’après moi, ces trois notions
quels produits le client
avait besoin », rappelle
produits apte à répondre à ses ques-
tions techniques et à un customer ser- s’acquittera de vont se fondre en une seule activité
de gestion commerciale », conclut
Régis Lemmens qui, en plus d’être pro- vice manager, chargé des relations Régis Lemmens.
fesseur, est à l’origine de la création du après-vente. deux factures :
cabinet-conseil en gestion Sales Cubes. La mondialisation et l’émergence Le vendeur du futur
« Au cours de la décennie qui a suivi,
les vendeurs se sont trouvés impliqués
d’Internet ont permis au client d’être
toujours mieux informé sur les pro-
le conseil d’un Quel sera le rôle du vendeur au sein
de ce nouveau processus? Le vendeur
dans le processus d’achat dès un stade
plus précoce. La phase suivante, qui
duits, qu’il peut en outre facilement
comparer. De ce fait, il accorde aussi
côté, et le produit est souvent associé au «closer», ce com-
mercial pur et dur, champion de la
s’étalera sur ces 10 prochaines années,
sera celle d’une réflexion conjointe de
plus d’importance au service offert. Les
entreprises réagissent en se tournant
ou service de conclusion d’affaires. «Mais celui-ci va
avoir de plus en plus de difficultés, pré-
l’entreprise et du client.» vers la cocréation, c’est-à-dire une poli-
l’autre dit Régis Lemmens. Si de nombreuses
GET/MONTAGE
Cette politique aura de profondes tique de création de valeur en collabo- entreprises voient en lui le principal
répercussions sur les entreprises. Le ration avec le client. Mais dans certains maillon de leur organisation commer-
vendeur qui commercialisera des pro- cas, il est nécessaire d’impliquer d’au- ciale, elles vont aussi avoir besoin de ≤
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≤ vendeurs à l’expertise très pointue, Et cela nous permet par ailleurs de met-
capables d’intervenir en amont du pro- tre un pied dans de nouvelles entre-
cessus. En outre, dans un monde où la De plus en plus, prises.» Par contre, Tom Pintens n’est
cocréation va revêtir une importance pas convaincu que les sociétés soient
sans cesse croissante, conclure des les logiciels disposées à payer le prix de services de
contrats va s’avérer de plus en plus dif- consultance que rendraient les ven-
ficile.» de diverses deurs. « Nonante-huit pour cent des
Le vendeur du futur est donc un PME ne sont pas prêtes», affirme-t-il.
conseiller, expert dans sa spécialité. entreprises Il ne confirme pas davantage l’affirma-
Contrairement au commercial tradi- tion du professeur Lemmens, selon
tionnel, il ne cherche pas nécessaire- interagissent laquelle la vente a été sous-estimée tan-
ment à être rémunéré à la commission. dis que le marketing s’est vu accorder
«Plutôt que d’organiser des formations entre eux trop d’attention ces dernières années.
aux techniques de vente, les entreprises «Les départements marketing ont d’ail-
feraient mieux de veiller à ce que leurs lisées. Le client qui n’est intéressé que leurs été les premiers à pâtir de la crise»,
vendeurs deviennent experts dans leur par deux des 400 produits qu’offre une conclut-il. z
secteur et connaissent leurs clients sur entreprise peut, après quelques
le bout des doigts. » Sans compter la recherches, en savoir plus sur eux que
nécessité de faire en sorte que les ven- son interlocuteur chargé de les com-
deurs conservent dans le long terme un mercialiser tous. C’est la raison pour
niveau de connaissances élevé. laquelle Smartdoc se consacre à la seule
gestion de documents: dans cette niche,
Toujours plus de nous pouvons toujours répondre aux
connaissances techniques questions du client.»
Tom Pintens, sales manager chez Tom Pintens croit-il au développe-
Smartdoc, start-up belge qui propose ment futur de la cocréation ? « Voyez
des services de gestion de documents comment, de plus en plus, les logiciels
aux PME, constate dans la pratique à de diverses entreprises interagissent
quel point le rôle du vendeur et celui entre eux. À la requête du client, nous
de l’expert technique convergent. «Les intégrons par exemple un portail sup-
logiciels sont devenus moins techniques. plémentaire, qui rend cette interaction
Moins que la programmation, le ven- possible. C’est la base de la cocréation...
deur doit connaître les processus d’ex-
RÉGIS LEMMENS,
ploitation de son client. Il doit pouvoir professeur à l’Antwerp Management
réfléchir avec lui et disposer pour ce School et fondateur du bureau de
faire de plus de connaissances spécia- conseil Sales Cubes.
PG
Exemple: Exemple:
La plate-forme commerciale d’ING Les centres d’innovation de Logica
À l’instar de bien d’autres banques, la maison-mère d’ING La multinationale informatique britannique Logica a ouvert des
(aux Pays-Bas) a éprouvé des difficultés à se remettre de centres d’innovation thématiques: celui de Bangalore (Inde) se
la crise financière. Sa réputation avait pâti des événements concentre sur la mobilité; celui de Chennai (Inde), sur les systèmes
et elle ne bénéficiait plus de la confiance du client. « ING de transport intelligents; de Stockholm, sur les nouveaux postes
voulait renouer avec les entrepreneurs, en se profilant de travail, et enfin celui d’Amstelveen (Pays-Bas), sur la recon-
comme leur partenaire. Au lieu d’envoyer des vendeurs naissance vocale et les applications biométriques. Le client invité
dans les entreprises pour y «prêcher la bonne parole», elle dans l’un de ces centres se voit proposer de participer à un atelier
a créé un portail commercial que les sociétés peuvent utiliser taillé à la mesure de son problème commercial. Ce workshop est
pour proposer leurs propres produits et services à d’autres: pour lui l’occasion d’acquérir de nouvelles expériences et de
un bel exemple de cocréation. L’initiative a permis aux changer sa façon d’envisager sa problématique, tandis que Logica
vendeurs d’ING de s’adresser à leurs clients autrement. lui présente ses produits et s’informe de ses besoins. L’objectif
L’idée est bien entendu que les nouvelles affaires conclues ultime étant que les ateliers (qui sont une forme de soft selling,
grâce au portail débouchent sur des opportunités pour la ou publicité informative) débouchent sur de nouveaux projets,
banque», explique Régis Lemmens. et donc sur des ventes pour Logica.
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